DRAGOM vous accompagne depuis le début de cette crise pour vous aider à trouver des solutions grâce à notre programme de tutoriels. 
Nous avons souhaité, également, vous apporter les témoignages de nos consultants sur des caractéristiques essentielles de cette crise.

Pour commencer, nous vous proposons un retour d’expérience des missions que peuvent vivre les militaires lors d’opérations extérieures et une mise en parallèle avec le confinement actuel.

Céline COUCHET

Bonjour Céline, pouvez-vous nous dire quelques mots sur vous ?

Je suis capitaine dans l’armée de l’air et navigatrice sur Mirage 2000 D. J’ai évolué plus de 10 ans dans des unités opérationnelles avec des missions à l’étranger.
Je suis formatrice en facteurs humains et en techniques TOP au sein de ma base.

En quoi cette période inédite que nous vivons actuellement est assez fréquente pour les militaires ?

Cette période inédite est comparable à ce que peut vivre un militaire qui part en mission opérationnelle. Il va devoir vivre pendant plusieurs mois dans un contexte particulier sans pouvoir en sortir tout en exerçant son métier dans des conditions différentes de ce qu’il connaît au quotidien.

Quels en sont les points communs et les différences ?

Le militaire va passer par différentes phases, comme ce que nous avons pu constater au début de la COVID-19. Initialement, il y a une phase d’accoutumance et de découverte de son nouveau travail. Ensuite, cette phase évolue en phénomène de lassitude, car la situation se répète et devient routinière. Le manque de loisirs et de la famille se fait ressentir également. La vie au quotidien avec ses nouveaux collègues peut présenter certaines tensions en raison du confinement. En fin de mission, on se pose beaucoup de questions sur le retour en métropole qui peut se comparer à ce que nous vivons, maintenant, avec beaucoup d’anxiété et de questionnement sur l’utilité du métier.

Il existe néanmoins des différences. Tout d’abord, nous nous battons contre un ennemi visible et non pas invisible comme avec la COVID-19. Le confort de vie est supérieur chez soi comparé à une mission et on n’est jamais vraiment seul en mission, car nous sommes confinés avec des collègues en permanence.

Pouvez-vous nous donner 3 conseils à titre personnel que vous appliquez afin de supporter au mieux les confinements en mission ?

  • Planifier sa journée en pensant à s’accorder du temps pour des activités de détente sportives ou autres ;
  • Conscientiser les différentes phases rencontrées sur la mission ; et
  • Rester attentive aux autres.

À titre professionnel, quels étaient les paramètres importants à maîtriser pour réussir les missions malgré le poids psychologique d’un confinement ?

  • Répéter les procédures afin d’être prêt pour mener à bien une mission.
  • Identifier les erreurs communes grâce au « débrief » en s’aidant du groupe pour ne pas ajouter de l’isolement au confinement.
  • Être conscient de la fatigue et des habitudes qui s’installent chez soi comme chez les autres.

Actuellement, beaucoup d’entreprises et d’individus réfléchissent au « post-confinement », est-ce quelque chose de simple de revenir à une vie normale ? 

Ce n’est pas simple de revenir à une vie normale. Nous subissons beaucoup de stress, il faut donc rester indulgent avec soi-même et vivre l’instant présent avec les contraintes imposées. Se projeter sur une reprise progressive et enthousiaste bien préparée est la clé de la réussite.

Êtes-vous préparée à ce retour à la vie normale au niveau collectif ou chacun doit-il trouver des moyens lui permettant de le faire ?

Il faut une préparation collective pensée et mise en place par l’encadrement afin que chacun puisse faire son travail individuel.
La motivation personnelle de chaque membre du groupe va conditionner la relance collective du travail en équipe lors du retour.
Donc il faut les deux !

Quelles sont pour vous les caractéristiques d’un retour efficace au niveau individuel ? 

Un bon retour doit être préparé et progressif afin d’une part, de ne pas effrayer les membres du groupe et, d’autre part, de faire en sorte de (re)motiver les troupes. Le changement de rythme doit être anticipé. Il faut donc au niveau personnel se préparer à être à nouveau en situation de stress, mais il faut le voir comme un retour à la vie normale et à la liberté pour pouvoir faire son travail pleinement et avoir des périodes extra-professionnels sans contrainte.

Au niveau collectif, il faut s’accorder du temps pour retrouver confiance en ses collègues et mettre en avant le bien-être du travail collectif. Ensuite, il faut partager les expériences et rencontrer des personnes, mettre l’humain au cœur du dispositif afin de valoriser les relations humaines et construire des stratégies à partir du groupe.

Qu’attendiez-vous de votre chef lors du retour ?

Pour la reprise, j’attendais de mon chef, dans un premier temps, qu’il prenne le temps d’évaluer si chaque personne est prête et disponible pour repartir du bon pied (est-ce que chacun a réglé ses soucis de garde d’enfant, etc…) et qu’il recrée rapidement un effet de groupe.
Dans un second temps, que nous fassions rapidement un bilan en réunion sur ce qu’il s’est passé afin de nous permettre de nous tourner rapidement vers de nouvelles échéances (revues). Dernier point important, faire des points réguliers les premières semaines pour valider les étapes et avancer tous ensemble.

Quelles sont pour vous les leviers motivationnels importants à mettre en place lors du retour de mission ?

J’en isolerai 2 :
1. Premièrement, la hiérarchie doit prendre le temps de gérer l’humain avant de gérer les problèmes liés à la crise. Les gens ont besoin de retrouver de l’importance et de se sentir appartenir à un groupe soudé.
2. Deuxièmement, accompagner la mise en place d’activités collectives au départ (professionnel ou extra-professionnel).

En ce qui vous concerne, avez-vous une méthode ou mettez-vous en place un cadre particulier lors de vos formations sur la gestion des facteurs humains lorsque vous accueillez les pilotes qui reviennent de mission ?

Peu de choses sont réellement mises en place de manière systématique lors des retours de missions. On laisse le temps aux personnes rentrant de missions de retrouver leurs repères dans la vie civile (la vie normale). Il vaut donc mieux attendre un certain temps le retour d’un personnel disponible et reposé qu’une personne stressée.

De mon côté, je propose des séances TOP en groupe ou à titre individuel permettant d’aider certains à reconstruire un schéma individuel de motivation et d’autres à gérer l’anxiété de la reprise.